01/02/2010

TÊT - La fête du jour de l’An Lunaire

Les traditions vietnamiennes -  Le Têt Nguyên Dan
Extrait du livre : La tradition religieuse, spirituelle et sociale au Vietnam – par Joseph Nguyen Hui Lay - Beauchesne - Paris
Autrefois, pour préciser la date, on écrivait le jour, le mois, l’année cyclique et on rajoutait le nom de l’Empereur régnant. De nos jours, la vie moderne ne peut pas se passer du calendrier solaire. Cependant les fêtes traditionnelles, les cérémonies religieuses, les pèlerinages, les foires, les jours de marché, les jeux populaires à la campagne, sans parler des sciences divinatoires, les horoscopes et de la géomancie, continuent à garder le calendrier lunaire. La fête du Têt illustre l’attachement à cet usage.

La fête du jour de l’An Lunaire porte le nom du « Têt Nguyên Dan ». Le terme « Têt » vient de « Tiêt Lê », c'est-à-dire « Fête saisonnière ». L’expression « Nguyên Dan » veut dire « Première Aube de l’Année ». Tous les ans, les vietnamiens, en quelque lieu qu’ils se trouvent, dans leur pays ou à l’étranger, célèbrent la Fête du Têt avec ferveur. C’est le premier jour de l’année, mais c’est aussi la fête du Printemps, la fête du Renouvellement du Ciel et de la Terre, la fête de la nouvelle rencontre du Yang et du Yin. Tout recommence à l’aube de ce jour béni. La veille on voulait exécuter tous les projets, liquider toutes les affaires en suspens pour aborder une nouvelle étape de son existence avec confiance et sérénité. A minuit, heure solennelle du passage de l’ancienne année à l’année nouvelle (Giao Thua), on semble oublier le passé pour ne regarder que l’avenir.
Comme la nature, la vie humaine se renouvelle. De même que les arbres portent des feuilles et les fleurs nouvelles, de même l’homme doit avoir un esprit et un cœur nouveaux. Les vêtements neufs qu’on porte ce jour là et le comportement de soi à l’égard des autres traduisent le nouvel état d’âme.
La maison (Nha) montre son nouveau visage : on l’orne de belles fleurs et surtout de branches de pêcher, symbole du printemps (hoa mai). Les murs sont couvert de bandes de papier rouge, sur lesquelles sont tracées avec art les sentences parallèles en idéogrammes (Câu dôi do). D’autres caractères expriment les vœux du Printemps (Cung Chuc Tân Xuân) ou le souhait des « trois innombrables » (Tam Da : Bonheur, Prospérité, Longévité –Phuc, Lôc, Tho). Les membres de la famille se réunissent pour présenter les vœux aux parents qui leur offrent des friandises notamment le gâteau traditionnel de riz gluant (banh chung). Le pays entier salue avec allégresse le retour de la Nouvelle Année, en brulant des pétards, dont les débris de papier jonchent le sol en formant un beau tapis rouge devant la maison.
Après les souhaits traditionnels, les visites et les réjouissances, c’est l’inauguration du travail de la nouvelle année. Les autorités publiques leurs sceaux officiels (Khai but). Le laboureur inaugure sa charrue qui, en remuant la terre nouvelle, donnera de belles moissons. L’artisan inaugure ses outils qui lui permettront de réaliser de nouveaux travaux. Le commerçant inaugure son fonds de commerce où rayonnera une nouvelle prospérité. Le Têt est à vrai dire la Fête du Renouveau.
C’est pourquoi des précautions doivent être prises pour que le jour de l’An se passe dans toute sa splendeur et sans aucun heurt. Beaucoup de vietnamiens croient que le premier jour exercera une certaine influence sur le reste de l’année. Cette croyance n’exclut pas la superstition, mais elle ne manque pas non plus de noblesse et de générosité. La nuit du « Giao Thua » est encore appelée « Nuit de l’effacement des mauvaises habitudes » (Dêm Tru Tich). Chacun s’efforcera, à partir de minuit, d’être un « homme nouveau » en ses paroles et en ses actes. On échange que de bons propos, on ne dit pas d’injures, de peur que celui qui les reçoit ne soit injurié durant l’année, et que celui qui les profère ne soit incité à dire toujours des paroles malveillantes. On se montre bon et généreux pour que toute l’année respire le parfum de ses bonnes actions. Les personnes en deuil s’abstiennent de rendre des visites, car la première visite (Xông dât) pourra apporter aux amis le bonheur ou le malheur, selon la qualité et la situation du visiteur.
Dès l’aube, on s’apprête à percevoir, dans les cris des animaux, des présages pour la nouvelle année. Le beuglement d’un bœuf ou d’un buffle annonce un travail fructueux et une bonne récolte ; le chant d’un coq n’est pas un bon présage, car il picote les grains ; les gazouillements des oiseaux donne la joie aux familles ; le hennissement d’un cheval est le signe de la prospérité ; le miaulement d’un chat entraîne les maladies ; le croassement d’un corbeau annonce la tristesse et le deuil.
Mais il faudra surtout préserver sa demeure de la malveillance des esprits pernicieux et jaloux qui veulent troubler la paix des hommes. Selon la coutume, pour les éloigner, on suspend sous le toit une touffe d’armoise, et on trace à la chaux sur le pas de la porte d’entrée des arcs, des flèches, des formes symboliques rondes et carrées. L’instrument d’exorcisme le plus pittoresque est « l’Arbre-Tabou » ( Cây Nêu ), C’est une perche de bambou plantée au milieu de la cour, au sommet de laquelle on attache des feuillages, des rubans rouges, des plumes, une lanterne et un cerceau où sont suspendus de petits objets étincelants en terre cuite représentant en particulier les poissons. Cette perche, suisvant une autre opinion, a un second usage qui est d’aider les ancêtres à retrouver la maison de leurs descendants, quand ils reviennent participer à leur fête.
Car le Têt n’est pas seulement la fête des vivants, mais encore la fête des morts.
C’est le culte des ancêtres qui donne au Têt sa signification profonde. En leur honneur la fête est célébrée avec une grande solennité et avec toute la ferveur de la piété filiale, dans un sentiment de joie et de reconnaissance. Aussi le Têt est-il par excellence une fête religieuse. Il est précédé, huit jours auparavant, par la cérémonie au Génie du Foyer (Tao Quân) qui a lieu le 23e jour du 12e mois lunaire. Cette cérémonie est inspirée de la croyance taoïque, selon laquelle le Génie Protecteur doit, à cette occasion, monter au ciel pour rendre compte au Seigneur Céleste de tout ce qui s’est passé dans la famille durant l’année qui va achever. Sur sa demande, ceux qui sont bons recevront la bénédiction céleste, tandis que ceux qui ont une mauvaise conduite subiront des châtiments aux cors de l’année nouvelle. D’après la tradition, la famille lui offre, avant son départ, un équipement de voyage en papier or et d’argent comprenant une robe de cour, une toque, des bottes et une carpe qui lui servira de monture. Tous ces objets sont déposés sur l’autel des ancêtres. Ils seront brûlés après la cérémonie pour être acceptés par le Génie.
Lorsque le Têt arrive, tous les membres de la famille se réunissent devant l’autel, à la première heure de l’année nouvelle, c'est-à-dire à l’heure du « Giao Thua », pour accueillir les ancêtres (Ruoc Ong Ba). Le chef de famille leur souhaite la bienvenue, exprime le bonheur des siens de les retrouver et les prie de recevoir les offrandes. On prosterne et on s’incline plusieurs fois devant l’autel comme s’ils sont présents, et on les brûle les pétards en signe de joie. Durant les jours de fêtes, les ancêtres demeurent parmi leurs descendants pour recevoir l’hommage de leur respect et de leur attachement.
Citation :
Le peu que je sais, c'est à mon ignorance que je le dois. - Sacha Guitry


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